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Shapeshifters (1/40)

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Yorffeez's avatar
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Chapitre 1


Brindilles et autres feuilles mortes gémissaient sèchement sous mes pas précipités. Plusieurs branches garnies de toiles d'araignées me fouettèrent le visage tandis que je traversais un bataillon de jeunes sapins. Plus je m'enfonçais dans la forêt et plus mes cheveux se gorgeaient d'épines. Mes chaussures, elles, étaient toutes couvertes de terre. Je jetai un bref coup d’œil à ma montre. La lune allait bientôt apparaître. J’accélérai donc ma cadence. Je devais m'éloigner le plus possible de mon village. La sécurité de ses habitants en dépendait.
Après plusieurs minutes de course, je m'appuyai enfin contre un arbre, à la fois à bout de souffle et satisfait de moi. J'étais certain d'avoir mis assez de distance entre moi et la civilisation. Je regardai à nouveau l'heure. Seulement quelques minutes.
Intérieurement, je me maudissais d'avoir oublié que la pleine lune était prévue pour ce soir. Ces examens me prenaient tellement la tête et j'avais encore beaucoup de mal à m'habituer à ma toute récente condition de loup-garou. En effet, ma première transformation avait eu lieu seulement trois mois auparavant et j'ignorais d'où me venait ce mal étrange. Je ne comprenais pas pourquoi, une fois exposé à la lumière lunaire, mon corps devenait celui d'une bête sauvage, incontrôlable et assoiffée de sang. Tout ce que je savais, c'était que cette lune était maintenant capable de me changer mensuellement et ce contre ma volonté.
Mon regard se dirigea vers le soleil. Lentement, il se noyait dans l'obscurité.

Immobile, je tendis attentivement l'oreille afin de m'assurer qu'aucun promeneur innocent ne passait par là. Jusqu'ici, j'avais toujours réussi à me cacher et à me métamorphoser dans des lieux très peu fréquentés. Ma première transformation avait eu lieu dans cette même forêt, alors que j'y faisais mon jogging quotidien. Un coup de chance. Je m'étais réveillé très tôt le lendemain au milieu d'une prairie toute proche, nu, déboussolé par ce qui m'était arrivé et sans le moindre souvenir de la nuit qui avait précédé... Entouré d'empreintes de loup et le visage couvert de sang, j'avais immédiatement compris ce jour-là quelle créature sommeillait en moi. J'en avais été plus qu'abasourdi et j'avais longuement pleuré sur mon sort.

J'entendis quelque chose remuer derrière moi. Je me retournai et découvris qu'il s'agissait de plusieurs sangliers accompagnés de leurs petits marcassins. Tous prirent la fuite en m’apercevant. À raison. Je jetai un coup d’œil aux alentours. Il n'y avait que des sapins qui se dandinaient au rythme du vent sous un ciel de plus en plus sombre. Personne. Ce fut donc soulagé de savoir que j'étais le seul humain à me trouver ici que j'enlevai mon t-shirt. Si je prenais le soin de me déshabiller, c'était parce que, fort de mes trois premières expériences, je n'étais pas sans savoir que les vêtements d'un être humain ne correspondaient pas au corps immense et puissant d'un loup-garou. Je n'avais pas vraiment envie des les abîmer. De plus, mon budget de simple étudiant en arts plastiques ne pouvait me permettre de gaspiller des habits de la sorte. Ainsi, après m'être déchaussé, je fis glisser mon pantalon le long de mes jambes pour ensuite rouler mes vêtements en boule et les cacher derrière un arbre tout proche. J'avais néanmoins décidé de garder mes sous-vêtements.
Je sentis une brise à la fois fraîche et nocturne venir caresser mon corps déshabillé, porteuse de nombreux parfums forestiers. Un frisson me parcourut l'échine malgré la chaleur qui se faisait de plus en plus sentir dans mon corps. Je la sentais. Elle arrivait. Je levai les yeux vers le ciel et je la vis, belle et froide, prendre place parmi les premières étoiles. La pleine lune était là. Impitoyablement, sa lumière vint rencontrer ma peau et amorça ainsi ma métamorphose. Je sentis une brusque énergie secouer mon corps et je me laissai tomber au sol, tremblant comme une feuille et incapable de détacher mon regard de la lune.

-Courage, Wilhelm, me dis-je à moi-même. Tu commences à avoir l'habitude. Ça va juste faire un peu mal...

Comme pour le confirmer, mon corps se fit désagréablement plus brûlant. L'apogée d'une fièvre multipliée par dix ! Mon être agité de spasmes devint bien vite luisant de sueur sous la lumière lunaire. Le loup en moi s'éveillait. Ses griffes noires remplacèrent tous mes ongles et ce fut loin d'être indolore. Comme mes doigts, mes canines s'allongèrent elles aussi. Je ne pus contenir un premier cri de douleur tant la croissance de mes dents se faisait sentir.
Puis je sentis mes côtes pousser contre ma peau, de plus en plus. C'en était presque insupportable. Mes muscles, eux, commencèrent à gonfler et à se développer. Endolori, je portai à mon ventre mes mains qui étaient en pleine mutation. Celles-ci étaient devenues longues et se faisaient duveteuses. Je compris bien vite que le reste de mon corps était maintenant lui aussi sujet à ce curieux phénomène pilaire. Tous mes membres me chatouillaient. D'ailleurs, ces derniers commencèrent à gagner en taille et je hurlai à nouveau :

-Non ! Que ça cesse !

En vain. Je grandissais contre mon gré et mon sous-vêtement se faisait toujours un peu plus serrant. Ce fut alors que, sans prévenir, une nouvelle explosion de douleur me força à arquer mon dos qui progressivement se voûtait tandis que ma croissance ralentissait et que mon duvet se changeait en un épais pelage brun, soit la même couleur que celle de mes cheveux.
Ensuite, mes chaussettes ne devinrent que lambeaux, incapables de contenir mes pieds qui, en plus de s'étirer, adoptaient une forme digitigrade. Je réussis à détacher mes yeux quelques instants de la lune. Je contemplai un court moment mon corps qui ne ressemblait plus vraiment à celui d'un jeune homme normal de dix-neuf ans. J'en étais à la fois dégoûté, horrifié et honteux.

-Pourquoi... pourquoi moi ? murmurai-je.

Tel un aimant, la pleine lune ramena mon attention à elle. Mon humanité m'abandonnait subtilement. En témoignait cet appétit soudain qui mutilait désormais mon estomac.
À nouveau, une puissante douleur se manifesta au niveau de mon dos.

-Non ! me plaignis-je d'une voix monstrueuse qui n'était plus vraiment la mienne alors que je sentais ma colonne vertébrale s'allonger pour former une longue queue dans le bas de mon dos.

Enfin, mon visage commença lentement à se déformer en même temps que de nombreux poils y germaient. Mon nez et ma bouche s'étirèrent à l'unisson pour former un long museau au bout duquel scintillait une petite truffe noire et humide tandis que mes oreilles s'allongèrent pour finir pointues et animales. Cette fois, je fus incapable d'émettre le moindre cri. Seuls quelques jappements canins m'échappèrent.
Ma métamorphose terminée, je restai immobile quelques secondes, épuisé et endolori par une telle transformation. Dans un ultime effort, je parvins à me relever sur mes deux pattes, encore conscient que je n'étais plus qu'un monstre bipède à mi-chemin entre l'homme et le loup. Hélas, ma conscience se dissipa aussi rapidement que le soleil pouvait se fondre dans la nuit. La prédateur en moi prit le relais sans tarder...

Je me réveillai très tôt le lendemain dans une plantation brumeuse, allongé dans un amas de poils morts et le corps sali de terre et d'épines. Je me relevai lentement. Tous mes muscles me faisaient souffrir et un immonde goût de sang m'irritait le gosier. Mon corps tout entier avait été rendu humide par la rosée ce qui me fit très rapidement prendre froid. Il me fallait à tout prix retrouver mes vêtements pour me réchauffer et surtout avant d'être ainsi découvert nu au milieu des bois. L'endroit où je les avais laissés se trouvait non loin de ma position. Malheureusement, je n'eus même pas le temps de me mettre en route qu'une voix que je ne connaissais pas m'interpella :

-Salut, gamin !

Je me sentis instantanément rougir de honte et m'empressai de cacher mon intimité de mes deux mains avant de me retourner et de faire face à un grand homme que je ne connaissais pas et que je n'avais jamais rencontré auparavant. Celui-ci, imposant et barbu, portait de chauds vêtements couleur kaki. Un étrange collier garni de crocs pendait autour de son cou et il était armé d'un inquiétant fusil à pompe... Un chasseur ? Ou pire, un braconnier ?
Il étouffa un rire avant de continuer :

-C'est ça que tu cherches ?

Et sans prévenir, il lança mes propres vêtements à mes pieds ! Je demeurai stupéfait. Incapable de bouger. Immobilisé par l'embarras de la situation.

-T'inquiète pas, fit-il. Je sais ce que tu es. C'était une bonne idée de te déshabiller avant de te transformer. Tu as déjà de bons réflexes pour un jeune louveteau !

Cette phrase eut sur moi l'effet d'un coup de foudre et me cloua sur place. Comment pouvait-il connaître ce secret dont je n'avais fait part qu'à mes parents ? Je tentai de faire celui qui ne comprenais pas. J'ignorais qui était cet individu, après tout.

-Je... je ne vois pas... de quoi vous voulez parler, parvins-je à articuler.

Il explosa de rire.

-Ah ! Typique, lâcha-t-il. Allons, je ne suis pas un abruti...
-Qui êtes-vous ?
-On m'appelle Billy. Et t'inquiète pas, je n'ai pas l'intention de te faire du mal.
-Que me voulez-vous ?
-Les questions attendront ! Habille-toi ! Tu pourrais attraper un rhume, mon pauvre loup.

Devant un type plutôt costaud et armé, je préférai m’exécuter. Je me dépêchai donc de remettre mes vêtements, eux aussi rendus froids et humides par la nuit. Une fois mes vêtements enfilés, je lui adressai un regard interrogateur auquel il répondit :

-Les gens comme moi s’occupent de repérer les nouveaux loups-garous comme toi...
-Les loups-garous ? demandai-je comme si ce terme m'était inconnu.

Il soupira longuement. Blasé.

-Cesse de faire l’innocent, murmura-t-il. Je sais ce que tu es.
-Et alors ? lui dis-je. Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Vous allez le dire à tout le monde ? Me tuer ? Je n'ai fait de mal à personne !

Je commençais à perdre mon calme. L'adrénaline en moi se faisait de plus en plus forte face à cet étrange bonhomme qui me parlait comme à un animal. Lui, par contre, restait impassible.

-Pas encore, me souffla-t-il. Et c'est ce pourquoi je suis venu te trouver, gamin : pour m'assurer que tu ne fasses de mal à personne. D'ailleurs, je suppose que cela est le dernier de tes désirs...
-En effet...
-Je travaille pour le Centre Fédéral d'Etudes de la Lycanthropie dont tu n'as sans doute jamais entendu parler. Nos agissements sont en effet très discrets.
-Je ne connais pas... Que me voulez-vous ? demandai-je à nouveau.

Il se rapprocha de moi et posa sa main sur mon épaule avant d'annoncer :

-Gamin, il va falloir que tu continues ta vie dans ce centre. Là-bas, nous t'aiderons à t'adapter à ta nouvelle nature de loup-garou et il te sera impossible de blesser qui que ce soit lors de tes transformations. Pas mal, hein ?
-Et si je refuse ? lui dis-je avec scepticisme. Vous allez me tuer ?
-Oh, fit-il en haussant ses larges épaules. Je ne tue pas les gens...

Je soupirai de soulagement.

-Mais je les tue s'ils se changent en monstres, dit-il en désignant les crocs de son étrange collier. Elles appartiennent aux loups-garous qui ont refusé notre offre. D'ailleurs, j'aurais pu te tuer cette nuit. Mon fusil est chargé d'argent. Mais je devais d'abord te faire part de cette offre. Quelle logique !
-Tout cela me perturbe, avouai-je. J'ai même du mal à vous croire...
-T'inquiète pas, je comprends, fit-il.

Il me tendit alors un petit carton bleu marine sur lequel les initiales CFEL étaient inscrites en gris argenté. Des coordonnées figuraient sur l'autre face.

-Tu as jusqu'à la prochaine pleine lune pour te décider. Contacte-moi si tu acceptes, sinon, j'attendrai que tu te transformes à nouveau pour t'éliminer, dans l’intérêt de tous...

C'en était trop, je pris mes jambes à mon cou sans demander mon reste et m'enfuis parmi les arbres.

-Typique ! l'entendis-je crier dans mon dos.

Je n'atteignis mon domicile que quelques dizaines de minutes plus tard où ma mère s'empressa de m’accueillir. C'était une petite femme de corpulence svelte aux longs cheveux gris. Derrière les verres de ses lunettes rondes, ses grands yeux sombres exprimaient une inquiétude évidente. Elle m'avait lancé exactement le même regard le jour où, après ma deuxième métamorphose, je lui avais avoué ma condition de loup-garou. Dans un premier temps, elle et mon père ne m'avaient évidement pas cru, préférant mettre ça sur le compte d'un prétendu somnambulisme sévère. Ils avaient toutefois été obligés de se rendre à l'évidence la nuit de mon troisième changement lors de laquelle, malgré mes mises en garde et mes avertissements, ils m'avaient suivi à mon insu jusque dans la forêt qui m'hébergeait lors de mes métamorphoses. Là, ils avaient pu voir de leurs propres yeux quelles horribles transformations j'étais désormais condamné à subir, une fois par mois, lors de chaque pleine lune. Ils avaient tout juste eu le temps de s'enfuir avant l’émergence de mon côté animal cette nuit-là. Un risque énorme de leur part mais qui avait eu au moins l'intérêt de les convaincre de ma situation.

Je m'appuyai contre le premier meuble que j'aperçus, encore épuisé par cette quatrième nuit passée sous ma forme d'homme-loup. Mes muscles endoloris par ces heures de chasse dans la forêt peinaient encore à me porter. Ma mère me prit par le bras.

-Mon chéri, fit-elle. J'étais encore très inquiète pour toi ! J'espère qu'il ne t'est rien arrivé !

Je ne savais quoi lui répondre. Je me contentai donc de lui tendre la carte du CFEL d'une main tremblante. Il nous restait un mois pour prendre une décision et les paroles de ce Billy ne me semblaient pas être du bluff...
EDIT 01.04.2016 : Modifications apportées à ce chapitre :
-Description physique de la mère de Wilhelm
-Changement du nom du CFEL. Le Centre Francophone d'Etudes en Lycanthropologie devient Centre Fédéral d'Etudes de la Lycanthropie.
-Précisions sur la façon dont les parents de Wilhelm ont découvert sa lycanthropie.

EDIT 11.07.2017 : Corrections orthographiques pour le plaisir des yeux.
© 2015 - 2024 Yorffeez
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Halmielle's avatar
J'aime beaucoup^^ c'est sympa et j'aime bien cette idée de CFEL